Un matériel flambant neuf, attrayant, une salle de classe aménagée avec espoir, bienveillance, amour et objectifs.
et..
Des enfants difficiles à gérer qui montent sur les tables, courent, se disputent…
Du rêve au <presque> cauchemar…
Je partage ici une conversation entre une éducatrice Montessori (notée EM) et moi-même (Notée A):
EM: Je travaille dans une école maternelle Montessori depuis 2 ans. Je remarque que depuis la première année, il y a une amélioration mais la « magie » qui devrait y avoir comme quand on regarde les reportages ou les vidéos Montessori, l’étincelle que j’ai eu pendant mes formations, eh bien ce n’est pas exactement ce qu’il se passe rééllement dans ma classe.
Les enfants sont très difficiles à gérer, ils montent sur les tables, crient, se bousculent, se bagarrent etc. L’éducation des parents est parfois très restrictive à la maison, j’ai l’impression que les enfants abusent de leur liberté en classe. Ils en font mauvais usage.
Nous avons récupéré des enfants issus de grande section et qui apprenaient avec un mode d’enseignement très strict et rigide (exemple ils passaient leurs temps à écrire écrire écrire…). Dans notre classe, ils passent leurs temps à dessiner et ne savent pas travailler en autonomie. Donc je me pose la question sur les limites de cette méthode Montessori, sur son application… Car les notions fondamentales ne sont pas abordées, c’est compliqué… parfois les enfants ne veulent pas ce qu’on leur propose. Ils veulent juste dessiner ou faire les activités sensorielles. Mais quand il faut aller en math ou en langage, ils ne veulent pas spécialement (hors périodes sensibles). Et les plus grands n’ont même pas les acquis.
Comment leur donner envie d’apprendre ? Faut-il obliger ? Comment m’y prendre sans leurs imposer ? Il y a aussi la pression des parents qui attendent beaucoup de nous. Voilà… cette lumière que j’aimerais voir dans leurs yeux, je la vois rarement.
A: Je comprends tout à fait ta problématique et tes difficultés car c’est finalement le quotidien de toute personne qui se lance dans ces projets d’enseignement alternative, et un moment difficile à passer pour comprendre certaines choses. Après avoir suivi les formation Montessori et d’autres, on en ressort plein d’espoirs et motivées. Mais aussi avec beaucoup d’attentes idéalistes.
Pour arriver à un résultat de rêve, des enfants brillants, concentrés avec la « belle musique de fond » comme dans les reportages c’est un travail de fond et de longue haleine. ça prend des semaines, des années comme lorsque l’on sème des graines, la récolte de fruits mûrs et bien sucrés demande d’agencer l’environnement, d’arroser, de tailler, d’enlever les feuilles mortes ou éléments parasites, patience, persévérance, amour.
Il faut parfois passer par l’erreur en tant qu’adulte, observer , se réajuster.
Il faut se poser certaines questions: est-ce que les personnes avec qui je travaille portent le même objectif que moi ? Avons-nous eu un entretien pour établir une pédagogie commune et des objectifs communs ? avons-nous fait une réunion avec les parents pour sensibiliser ou initier un minimum et ainsi assurer un suivi cohérent à la maison ?
Autre chose, selon mon expérience, s’appeler « école Montessori » est porteur de pression. Les parents (non formés à cette méthode) et qui n’ont de connaissance que des articles et reportages vendant du rêve pensent récupérer en retour des « Estein » et ce au bout de la première année, ou même au bout de 2 semaines d’atelier Montessori lors de vacances scolaires. Ce qui nous met une sacrée pression. Déjà qu’enseigner c’est un exercice d’acrobate… Hors la réussite d’un enfant ne tient pas au nom de l’école. En réalité, il y a beaucoup de paramètres qui entrent dans la réussite de l’enfant et la continuité après l’école joue aussi beaucoup. D’où la nécessité de faire part au parent du projet individuel de chaque enfant et les responsabiliser à la maison. Chaque enfant n’évoluera pas de la même manière car chacun son environnement familial, ses antécédents, ses freins à l’apprentissages etc et à partir de là les parents doivent intégrer l’idée que chacun son rythme, et tous soudés pour l’enfant.
Il faut, selon moi, informer sur les paramètres de réussite comme par exemple savoir ce qu’est une période sensible. Et faire le choix de la pédagogie Montessori, c’est se baser sur l’aménagement d’une salle adapté et en rapport avec les périodes sensibles d’apprentissage. Donc l’enseignant est écarté de toute obligation de rendement. Et ça, en tant que parent déjà, il faut être prêt à l’accepter, être convaincu et accepter l’idée que l’enfant avancera à son rythme selon ses lois naturelles d’apprentissages. Dans une école Montessori et en unchooling, la reussite fluctue en fonction des besoins intellectuels de l’enfant. Les parents issus d’un système classic et non formés aux alternatives peuvent donc avoir des attentes telles que : des fiches de travail.
Exemple: une maman se plaignait que sa fille de 3 ans passe son temps à laver le linge. Dans les écoles Montessori, on propose des activités de vie pratique tel que laver le linge à la main. Cette petite était passionnée par cette tâche pendant 1 mois entier, ce qui laissait perplexe la maman. On peut la comprendre, si on se met à comparer d’autres enfants qui apprennent les chiffres, les lettres dans d’autres systèmes plus classic. Elle se disait : » mais mon enfant ne peut pas faire que ça ! je paie quand même cher l’école ! » et l’éducatrice lui répondait que c’est ce qu’elle réclamait, elle est pleinement concentré sur sa tâche.
Analyse de la situation: on peut comprendre l’inquiétude de la mère, surtout si elle n’est pas formée ou informée sur les types d’activités et les objectifs de celles-ci -> d’où l’importance d’initier un minimum les parents et ainsi les rassurer. C’est à nous éducateur d’expliquer que par cette activité de vie pratique, l’enfant assimile la coordination de ses mouvements, l’autonomie, la concentration, la minutie, tonifie ses muscles de ses bras de ses mains pour ensuite être prête à aborder sereinement des matières qui mobilisent toutes ces compétences. Combien d’enfants ont été forcé à écrire directement dès le plus jeune âge, passant par des crises sans que l’adulte ne comprennent qu’en fait,l’enfant ressent des crampes aux doigts qu’il ne sait pas verbaliser et que l’enfant en bas âge ne dispose pas d’une tonicité musculaire suffisante pour écrire, écrire bien … Allez vous courir le marathon sans vous être musclé les jambes ? Et bien les activités de vie pratique sont entrainement pour les maths et la lecture ce que l’entrainement sportif est pour le marathon.
Selon moi, Montessori n’est pas une pédagogie parfaite et applicable en toute circonstance.
->1: faire confiance à l’enfant et le laisser seul faire son programme selon les lois naturelles d’apprentissages c’est applicable lorsqu’on vit sans contrainte et pression de résultat, de rendement et d’obligation par rapport à un Etat.
-> 2: et quand l’éducation qui est faites à la maison aussi le permet
Or, dans le premier cas, nous sommes, selon le pays soumis à une obligation de prouver l’acquisition du socle commun de connaissance.
Dans le 2ème cas, quand on récupère un enfant dans notre classe, on le récupère avec tous les travers éducatifs de l’humain.
Du coup, on a un double travail:
-> réparer les courts-circuits cognitifs; c’est à dire que là où à la maison ou à l’école il apprenait sous pression, sans avoir le choix et bien de cette manière il a appris à mettre en pause ses compétences de raisonnement et de réflexion et à développer la faculté à être dépendant et soumis aux ordres. Dans une école alternative, avant d’atteindre des résultats, il faut le temps de rétablir les circuits cognitifs. Des enfants n’arrivent pas à atteindre l’autonomie car ils attendent des ordres scolaires. ça le perturbe , pendant un temps l’enfant car il y a la transition. Cette transition entre deux paradigmes. En tant qu’éducateur, il faut avoir conscience qu’on ne récupère pas un enfant tout frais tout beau comme à la naissance. Entre 0 et 3 ans, il s’en est passé des choses dans la vie de l’enfant …il y a donc beaucoup de paramètres qui font que sur la réalité du terrain, cette pédagogie ne fonctionne pas à 100% ou du moins pas tout de suite et encore moins en ateliers saisonniers.
Donc l’enfant ne peut pas nous donner ce dont on rêve. Avec cette pédagogie, on promet de grandes choses qui n’arrivent qu’au bout de 2-3 ans de progression constante.
EM: je comprends mieux.. mais alors quels sont les solutions ?
A: Je ne peux pas prétendre détenir la bonne recette mais voilà ce qui fonctionne pour moi:
-> des ateliers dirigés en premier plan et des ateliers autonomes qui viennent en second plan.
J’ai également cette pression du rendement, qui est une réalité. J’aimerais tant pouvoir laisser les enfants libre dans les choix d’activités. Mais comme cela est difficilement possible voici comment je répartie le temps:
-> le matin travaux dirigés en fonction de mes observations, du niveau de l’enfant je lui propose des activités intellectuelles adaptés et je lui annonce: » ce matin j’ai prévu telle ou telle chose pour toi , tu pourras commencer par ce que tu veux » (parmi les choses que j’ai préparé). Ainsi on arrive à personnaliser le travail et à ce que l’enfant sache lire, écrire, compter calculer etc Ceci en usant de techniques d’approches ludiques techniques de communication. On rend donc les obligations scolaires moins pénibles en essayant de rendre le travail dirigé plaisant.
-> l’après-midi c’est libre selon aussi certaines activités adaptés ou libre totalement. Ce qui permet à l’enfant d’assimiler la notion de contraintes le matin, et de liberté l’après-midi
et selon moi ce n’est que le reflet de la réalité en tant qu’adulte : des droits et des devoirs.
A noter: mes ateliers dirigés ce n’est pas le service militaire. C’est dirigé dans le sens où je sélectionne du travail personnalisé au besoin de l’enfant, ce qui rend agréable la chose car il n’est pas mis en difficulté ni sous pression.
Exemple: l’enfant à 3 ans et demi, je sais qu’il connait ses chiffres jusqu’à 10, je vois qu’il y porte intérêt alors je lui préparer une progression sur les chiffres de 10 à 19.
La journée de l’enfant est donc aménagée sur une sécurité.
-> une sécurité qui permet à l’enfant de progresser
-> une sécurité qui nous permet nous, de prouver aux parents une progression et tenir des engagements.
Le but est de récupérer un enfant en début d’année et qu’il en ressort meilleur, pas le premier de la classe.
Et tu as ainsi une part de satisfaction car tu auras donné à l’enfant une liberté qui lui aura permis de developper des compétences complémentaires qui le rend heureux.
Il ne faut pas oublier, les enfants comme les adultes aiment vaquer à des occupations libres. Qu’est-ce que ça fait si l’enfant passe ses après-midi à dessiner ? Perso, je pense que le dessin développe beaucoup de compétences et d’aptitudes comme la motricité fine, l’art visuel, les contrastes, les techniques qui peuvent être pointues si ont lui donne l’opportunité; ça permet l’expression de soi, de ses idées, de ses émotions etc. Et je dis cela pour le dessin mais cela pourrait être pour un sport en particulier, ou ne faire que lire, ou faire des construction. Tout dépend de l’enfant et ses centres d’intérêt. Si vous aviez du temps libre, qu’aimeriez vous faire à temps plein ?
Conclusion de ma procédure: une journée équilibrée et sécurisée.
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